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L’été s’annonce difficile pour les compagnies aériennes… Voilà en substance la prévision unanimement partagée par les acteurs du secteur, à la fois parce que les compagnies aériennes manquent de personnel (notamment de pilotes), mais également parce que les sociétés d’assistance aéroportuaires peinent à recruter des agents au sol.

Annulations, retards, perturbations, autant de motifs d’inquiétude pour les compagnies aériennes que de sources d’irritations pour les passagers.

« Agir dans la colère, c’est s’embarquer dans la tempête » : ce proverbe (à l’origine incertaine, tantôt française, tantôt allemande) devra être médité par les plus sanguins des passagers, confrontés aux perturbations à venir, s’ils souhaitent embarquer non pas dans la tempête, mais à bord de leur avion.

En effet, et ainsi que le relève l’IATA (International Air Transport Association), les compagnies aériennes, les gouvernements et les passagers sont de plus en plus préoccupés par la fréquence et la gravité croissantes des incidents commis à bord des avions (violences à l’encontre de l’équipage, des autres passagers, incivilités, non-respect des consignes de sécurité). Ces actes, certes commis par une minorité de passagers, menacent la sécurité, perturbent les autres passagers et l’équipage et sont la source de retards et de déroutements.

Jusqu’à une période très récente, ces agissements étaient très imparfaitement sanctionnés, principalement en raison de l’absence de sanctions internationales uniformes, mais également, s’agissant de la France, de l’insuffisance des moyens de répression offerts par le droit interne.

Consciente de ces lacunes, la France a adopté et promulgué l’ordonnance n°2022-831 du 1er juin 2022 créant des sanctions spécifiques – et dissuasives – à l’égard de ces passagers perturbateurs.

Nous proposons de présenter dans les quelques lignes qui suivent les règles qui sont à la disposition des compagnies aériennes pour prévenir la survenance de ces difficultés.

Qu’est-ce qu’un passager perturbateur ?

Le passager perturbateur, ou indiscipliné, est défini au Chapitre 1 de l’Annexe 17 à la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale comme celui « qui ne respecte pas les règles de conduite à un aéroport ou à bord d’un aéronef ou qui ne suit pas les instructions du personnel de l’aéroport ou des membres d’équipage et perturbe de ce fait le bon ordre et la discipline à l’aéroport ou à bord de l’aéronef. »

Le passager perturbateur peut se voir refuser l’embarquement, voire figurer sur un fichier qui l’empêchera de voyager sur les lignes d’un transporteur considéré.

Le droit pour une compagnie de refuser l’embarquement du passager perturbateur

Le droit international et le droit français permettent au commandant de bord de refuser d’embarquer – ou de débarquer – un passager dont le comportement peut présenter un danger pour la sécurité du vol.

Au plan international, la Convention de Tokyo du 14 septembre 1963 et le Protocole de Montréal du 4 avril 2014, entré en vigueur le 1er janvier 2020 et ratifié par la France le 3 février 2021, confèrent ainsi des prérogatives et des pouvoirs au commandant d’aéronef, qui peut prendre des mesures de contraintes pour garantir la sécurité de l’aéronef ou des personnes ou biens à bord, maintenir le bon ordre et la discipline à bord, pour lui permettre de remettre ladite personne aux autorités compétentes ou de la débarquer.

En droit français, l’article L 6522-3 du code des transport, alinéa 1er, dispose dans le même sens que « Le commandant de bord a autorité sur toutes les personnes embarquées. Il a la faculté de débarquer toute personne parmi l’équipage ou les passagers, ou toute partie du chargement, qui peut présenter un danger pour la sécurité, la santé, la salubrité ou le bon ordre à bord de l’aéronef. »

Le commandant de bord peut ainsi refuser d’embarquer ou, si les faits sont commis en vol, décider de débarquer le passager dont il va considérer le comportement comme perturbateur.

A ce titre, il a été jugé que le personnel de la compagnie aérienne peut refuser l’embarquement à un passager dont l’attitude n’est pas conforme aux conditions générales de transport (CA Paris, 15 novembre 2012, n°11/01742).

Le droit pour une compagnie aérienne d’établir un fichier d’interdiction de transport des passagers perturbateurs

L’établissement d’un fichier nominatif (deux termes qui éveillent généralement les alarmes de tout juriste contemporain) des passagers qu’une compagnie aérienne ne souhaite pas (ou plus) transporter n’est pas interdite de principe.

Le Règlement (UE) n°2016/679 du 27 avril 2016 (dit « RGPD ») encadre simplement la mise en place d’un tel fichier, qui doit respecter les cinq grands principes des règles de protection des données personnelles (finalité, proportionnalité, durée de conservation limitée, principe de sécurité et confidentialité, droit à l’information). La validation de la CNIL n’est au surplus, et sauf exception, plus obligatoire. Une étude d’impact reste toutefois nécessaire, afin d’apprécier la conformité du fichier envisagé aux dispositions du Règlement RGPD.

La Compagnie Air France, avant même l’entrée en vigueur du RGPD, avait établi un tel fichier qu’elle avait soumis au contrôle de la CNIL (c’était alors obligatoire), laquelle l’avait validé. De même, la Cour de cassation a implicitement validé ce type d’interdiction dans un arrêt du 18 janvier 2017 (n°15-21802), en relevant que la Compagnie Air France était légitime à interdire de transport un passager, pendant dix-huit mois, compte tenu du comportement que celui-ci avait adopté au cours d’un vol précédent.

La prudence est évidemment de mise, s’agissant de l’établissement d’un fichier à caractère nominatif, mais rien ne s’oppose à ce que les compagnies aériennes mettent en œuvre les moyens légitimes et propres à prévenir les difficultés, plutôt qu’à devoir faire face à ces comportements affectant la sécurité des vols et le bon déroulement du voyage des autres passagers. Les récentes évolutions de la législation française, comme il sera vu, confirment au demeurant cette possibilité.

Cela étant, les compagnies aériennes devraient désormais trouver dans le nouveau dispositif adopté par la France en juin 2022, les moyens de faire sanctionner efficacement les comportements perturbateurs commis malgré tout sur leurs lignes.

Les nouvelles sanctions créées par l’ordonnance n°2022-831 du 1er juin 2022

Les textes

L’ordonnance du 1er juin 2022 a créé une section 3 au Chapitre 1er du Titre II, Livre IV de la sixième partie du Code des transports, intitulée sobrement « Comportement des passagers », comprenant trois nouveaux articles : L 6421-5 à L 6421-7.

– L’article L 6421-5 du Code des transports rappelle des principes connus, à savoir que le passager qui emprunte un vol exploité en transport aérien public, ne doit pas, par son comportement, compromettre ou risquer de compromettre la sécurité de l’aéronef ou celle de personnes ou biens à son bord.

– L’article L 6421-6 prévoit que les transporteurs aériens (ceux bénéficiant d’une licence d’exploitation délivrée par la France) peuvent porter à la connaissance de l’autorité administrative les faits qu’ils estiment constitutifs des manquements prévus à l’article L 6421-5, et qui sont passibles de certaines sanctions.

– L’article L 6421-7 précise que les agents chargés de constater les manquements prévus par l’article L 6421-6 sont, par renvoi à l’article L 6431-1 du Code des transports, les officiers et agents de police judiciaire, les fonctionnaires et agents de l’État, les personnels navigants effectuant des contrôles en vol pour le compte de l’administration et les militaires, marins et agents de l’autorité militaire ou maritime, commissionnés à cet effet et assermentés. Ajoutons, pour être complet, que ces constatations peuvent aussi être effectuées, aux termes de ces mêmes textes, par les fonctionnaires des corps administratifs de catégorie A de l’aviation civile, commissionnés à cet effet et assermentés.

Les sanctions

Les sanctions instituées par l’ordonnance sont de deux types : des sanctions administratives, comprenant d’une part l’amende, prévue par les (nouveaux) articles L 6432-4 à L 6432-8 du Code des transports, et d’autre part une interdiction d’embarquement à bord d’un aéronef, régie par les (nouveaux) articles L 6432-9 à L 6432-13 ; et une sanction pénale.

Les sanctions administratives

  • L’amende administrative

L’amende administrative est encourue, au terme de l’article L 6432-4 du Code des transports, dans les trois cas suivants :

– L’utilisation d’un appareil électronique ou électrique lorsque son utilisation a été interdite par le personnel navigant ;
– L’entrave à l’exercice des missions de sécurité du personnel navigant ;
– Le refus de se conformer à une instruction de sécurité donnée par le personnel navigant.

Le délai de prescription de l’action pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis, et non pas constaté (article L 6432-7). Ce délai de deux ans est habituel en matière aérienne – c’est le délai dans lequel le passager peut engager la responsabilité du transporteur aérien au terme des conventions internationales.

L’amende ne peut excéder 10 000 € (article L 6432-6).

  • L’interdiction d’embarquement à bord d’un aéronef

La sanction, ici, est originale et forte.

Au terme du nouvel article L 6432-9 du Code des transports, l’autorité administrative compétente, outre le prononcé d’une amende sur le fondement de l’article L. 6432-4, peut prononcer à l’encontre d’un passager aérien une interdiction d’embarquement à bord d’un aéronef exploité en transport aérien public par un transporteur aérien titulaire d’une licence d’exploitation de transporteur aérien délivrée par la France, lorsqu’il ressort du constat des manquements que ce passager est susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnels navigants, des autres passagers, de l’aéronef ou des biens à bord ou de constituer un danger grave pour la sécurité du vol.

L’interdiction (comme l’amende, au demeurant), est prononcée au terme d’un débat écrit contradictoire (L 6432-10) ; elle ne peut excéder deux années (ou quatre années si, dans les deux années précédentes, le passager a fait l’objet d’une mesure d’interdiction), et être assortie d’un sursis, partiel ou total (L 6432-11).

La décision d’interdiction doit indiquer, entre autres mentions, les transporteurs aériens auxquels sa mise en œuvre incombe, qui sont alors tenus d’annuler les billets émis, de lui refuser la délivrance de nouveaux billets et, évidemment, de refuser au passager l’accès à bord de l’avion s’il se présente à l’embarquement (article L 6432-12, alinéa 2).

Les sanctions pénales

En sus des sanctions ci-avant indiquées, d’ordre administratif, l’ordonnance créée une nouvelle infraction pénale, prévue et réprimée par l’article L 6433-3 du Code des transports, au terme duquel « le fait pour un passager de compromettre la sécurité d’un aéronef en vol par la destruction, la dégradation ou la détérioration volontaires d’un de ses éléments ou du matériel de sécurité à bord est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »

Les compagnies aériennes disposent ainsi désormais, en complément des quelques moyens qui étaient à leur disposition pour assurer une certaine police des vols, des moyens juridiques pour faire sanctionner les comportements de passagers dont la relative immunité de fait, il faut l’espérer, devrait ainsi prendre progressivement fin.

Les fêtes approchent et ça y est, vous allez enfin réaliser un de vos rêves : devenir télépilote de drone. Cette année c’est décidé, le père Noël va vous apporter ce que l’on appelle, en langage plus juridique, « un aéronef sans équipage à bord ».

Opérer un drone n’est pas sans risque et cette activité est par conséquent de plus en plus règlementée. Ainsi, si vous souhaitez prochainement faire l’acquisition d’un drone, la lecture des quelques lignes qui suivent vous permettra d’avoir une idée des principales obligations vous incombant en tant que télépilote novice.

• La règlementation applicable

Si la règlementation applicable dans le domaine était auparavant essentiellement nationale, la Commission européenne est depuis intervenue pour unifier les règles adoptées par les différents pays de l’Union en la matière. Deux règlements européens ont été publiés dans cet objectif le 11 juin 2019, à savoir le règlement (UE) n°2019/945 du 12 mars 2019 et le règlement (UE) n°2019/947 du 24 mai 2019.

La nouvelle règlementation distingue plusieurs catégories d’opérations et impose des obligations différentes pour chaque catégorie. La catégorie dite « ouverte » correspond aux usages les moins risqués et permet de faire voler des drones de masse au décollage inférieure à 25 kg sous réserve du respect de certaines conditions qui seront détaillées ci-après.

• Les prérequis pour opérer un drone en catégorie ouverte

Tout d’abord, par principe, il est nécessaire d’être âgé de 14 ans minimum pour exploiter un drone en France. Il est toutefois possible de télépiloter avant cet âge à condition d’être sous la supervision d’un télépilote âgé d’au moins 16 ans.

Un drone peut également être opéré sans âge minimum s’il est considéré comme un jouet au sens de la directive européenne 2009/48/CE (si tel est le cas, un logo indiquant l’âge minimum figurera sur le jouet en question).

Il n’y a pas non plus d’âge minimum pour opérer des drones construits à titre privé (c’est-à-dire assemblé ou fabriqué pour l’utilisation personnelle du constructeur), dont la masse est inférieure à 250 g.

Par ailleurs, sauf si le drone utilisé a une masse inférieure à 250 g, vous avez l’obligation de compléter une formation théorique en ligne. A l’issue de cette formation, vous recevrez une attestation de réussite que vous devez être en mesure de présenter lorsque vous pilotez votre drone, accompagnée d’un justificatif d’identité.

Il est également important de noter que vous devez vous enregistrer en tant que télépilote sur le portail AlphaTango (les drones de moins de 250 g et d’une énergie à l’impact inférieure à 80 Joules, non équipés de caméra, ne sont toutefois pas soumis à l’obligation d’enregistrement). Un numéro d’exploitant vous est alors délivré. Ce numéro doit être apposé sur l’aéronef. Cette obligation ne concerne toutefois pas les drones considérés comme des jouets au sens de la règlementation européenne – si tel est le cas, un logo indiquant l’âge minimum figurera sur le jouet en question.

S’agissant des drones de plus de 800 g, ils doivent par principe être équipé d’un dispositif de signalement électronique et être enregistrés sur le portail AlphaTango (les drones de moins de 800 g appartenant aux catégories C1 à C4, ainsi que les drones équipés d’un dispositif de signalement doivent également être enregistrés). Ce numéro d’enregistrement devra être apposé de manière visible sur le drone. A l’issue de la procédure d’enregistrement, un extrait du registre des aéronefs civils circulant sans équipage à bord est délivré. Lors de toute utilisation du drone, le télépilote doit être en mesure de présenter cet extrait aux autorités.

Opérer un drone peut s’avérer risqué. En tant que télépilote, vous pouvez être tenu responsable en cas de dommage aux personnes et aux biens au sol causé par le drone (article L6131-2 du Code des transports). Si l’assurance responsabilité civile n’est pas obligatoire pour l’utilisation d’un drone à des fins privées, nous vous recommandons fortement d’interroger votre assureur multirisques habitation afin de vérifier que vous êtes couverts au titre de votre responsabilité civile lorsque vous pilotez votre drone.

• Les règles applicables pour piloter en catégorie ouverte

En catégorie ouverte, le drone doit être opéré à une hauteur maximale de 120 mètres au-dessus du sol. Cette hauteur peut être abaissée dans certaines zones sensibles notamment aux abords des aérodromes afin d’éviter tout risque de collision avec un aéronef habité.

Dans d’autres zones, les vols sont strictement interdits. C’est le cas par exemple aux abords des prisons, des hôpitaux, de certains sites industriels ou encore à proximité des sites d’accidents, d’incendie ou de sinistre. Par ailleurs, il est interdit de survoler l’espace public en agglomération afin de réduire les risques de dommage pour les personnes au sol. De manière générale, le survol des personnes, et a fortiori des rassemblements de personnes, est également interdit.

Avant de faire voler son aéronef sans équipage à bord, afin de s’assurer que le vol est autorisé, il est donc nécessaire de consulter systématiquement la carte disponible sur le site internet Géoportail.

Si ces règles doivent permettre d’éviter que les drones opèrent à la même altitude que les aéronefs habités, il ne peut être exclu qu’un drone croise un aéronef habité. Dans un tel cas de figure, afin d’éviter toute collision, le télépilote a l’obligation d’éviter l’aéronef habité. En effet, de son cockpit, le pilote de l’aéronef habité n’est pas en mesure de détecter le drone afin de l’éviter.

Cette règle de priorité explique que, en catégorie ouverte, le télépilote a l’obligation de garder son aéronef toujours en vue. Les vols de nuit sont donc interdits. De plus, si le télépilote peut choisir un mode de pilotage automatique, il doit pouvoir reprendre le contrôle du drone à tout moment.

Par ailleurs les pilotes de drones équipés de caméra ont l’obligation de respecter la vie privée des personnes. Pour cela, ils ne peuvent notamment pas enregistrer des images permettant d’identifier des personnes sans leur autorisation.

Enfin, comme en voiture, il convient de noter que le télépilote ne doit pas être sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants lorsqu’il opère son drone. Il serait donc préférable d’attendre le lendemain de Noël pour effectuer votre premier vol !

Si vous souhaitez des informations plus détaillées sur ces questions, vous pouvez vous référer au guide établi par la DGAC sur les usages de loisir et professionnels simplifiés des aéronefs sans équipage à bord « catégorie ouverte ».

L’ensemble du cabinet Mazoyer Guijarro avocats vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année !